Origine du Conflit Ukraine - Russie

Certains d'entre vous, ceux qui le souhaitent, ont envie de comprendre plus précisément l’origine du conflit actuel. En tant que photojournaliste qui a longtemps travaillé dans les pays d'ex-Union soviétique, je vous propose une petite explication.

Les Varègues, ethnie scandinave apparentée aux Vikings, fondèrent la Rus’ de Kiev 882-1240. Cité- état qui est la plus ancienne entité politique commune à l'histoire des trois États slaves orientaux modernes : Biélorussie, Russie et Ukraine. Sa puissance et son aura dominèrent toute l’Europe orientale. Elle donna une reine à la France : Anne de Kiev. A ce moment-là, Moscou n’était encore qu’une forêt. Kiev périclita à cause des invasions mongoles.

Dès le quatorzième siècle apparurent dans le nord de la mer Noire, les Cosaques, d’abord Tatars, puis ensuite Slaves. C’était des paysans guerriers, semi-nomades que les souverains voisins laissèrent prospérer dans une région tampon de confins et cela permettait de contrer une expansion ottomane venue du sud. Confins, limite, marche… donne la racine slave de kraï qu’on retrouve dans le nom « Ukraine ». En 1654 l’Hetmanat cosaque (entité politique et géographique) se trouve au milieu de trois puissances, le royaume de Pologne-Lituanie au nord-ouest, la Russie Tsariste au nord Est et les Ottomans au sud. Afin d’équilibrer les forces et dans le but de freiner des guerres sans fin qui ont souvent lieu sur son territoire, l’Hetmanat se décide à faire alliance avec la plus faible des trois puissances : La Russie, c’est le traité de Pereïaslav. Mais il y a un malentendu, les Russes comprennent que les Cosaques se soumettent au Tsar.

Suite à la révolution russe, l’Ukraine de 1917 à 1922 reprend son indépendance, sur un territoire plus grand que celui que nous connaissons aujourd’hui. Les Soviétiques les remettront au pas. Pour mater la paysannerie nationaliste et remuante ukrainienne, le pouvoir central soviétique donc russe, provoque une famine/génocide en Ukraine : l’Holodomor qui cause la mort de 2.6 à 5 millions de personnes.

Lors de la Seconde Guerre mondiale et de l’invasion allemande en Ukraine, certains nationalistes ukrainiens virent dans un premier temps d’un assez bon œil ces « libérateurs » qui chassèrent les occupants russes et soviétiques de leur territoire. C’est le cas notamment de Stepan Bandera, dirigeant de l’armée insurrectionnelle ukrainienne UPA. « Le 30 juin 1941, à Lviv, il proclame l'indépendance de l'Ukraine avec Iaroslav Stetsko. Cette proclamation étant rejetée par l'occupant allemand, il est arrêté le 5 juillet 1941 et envoyé l’année suivante au camp de Sachsenhausen, dans le quartier des hautes personnalités politiques. Libéré en septembre 1944, il se retourne à nouveau contre l'Armée rouge et demande des armes à l'Allemagne nazie pour reconquérir l'indépendance de l'Ukraine. Ses frères, victimes du régime nazi, sont morts dans les camps de concentration, ce qui a renforcé son opposition tant contre les nazis que contre les Soviétiques. » source Wikipédia.

En 1954, à l'occasion du tricentenaire du traité de Pereïaslav, Nikita Khrouchtchev transféra la Crimée de la RSFS de Russie (République socialiste fédérative soviétique de Russie) à la RSS d'Ukraine, (République socialiste soviétique d'Ukraine) au sein de l'Union soviétique. A noter qu'avant 1945, la Crimée était une république autonome de la Fédération de Russie, statut supprimé par Staline en 1945, en même temps que la déportation de sa population tatare remplacée par des colons russes.

En 1991, un référendum sur l’indépendance de l’Ukraine est organisé. Le oui l’emporte à 92,26%. Dans l’Oblast (région) de Donetsk le oui est à 86,96%, mais seulement à 56,21% en Crimée qui est fortement peuplée de colons russes. L’Ukraine hérite d’un arsenal nucléaire conséquent sur son sol issu de la dislocation de l’Union soviétique. Le 5 décembre 1994 est signé à Budapest un mémorandum engageant l’Ukraine, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie qui accordent des garanties d'intégrité territoriale et de sécurité à l’Ukraine en échange de leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le transfert des ogives nucléaires à la Russie.

Le 29 mars 2004, six pays ayant appartenu à l'URSS ou au bloc de l'Est européen, et la Slovénie rejoignent l'OTAN. Pourquoi ? Mettons-nous à la place d’un citoyen estonien, qui pendant 46 ans a été occupé, par une puissance voisine, un système politique et économique leur est imposé. Une partie de sa famille est déportée, des colons russes s'installent dans son pays. Une langue leur est imposée et un contrôle policier et sécuritaire est omniprésent. Une fois indépendant, ce citoyen n’a qu’une envie, c’est que cela ne se reproduise plus, d’où leur demande de se mettre sous la protection de l’Otan.

Toujours en 2004, débute la révolution orange. Le peuple ukrainien conteste les élections truquées du 21 novembre 2004, la corruption, la mainmise d’oligarques sur le pouvoir et l’interventionnisme russe commence. Un gouvernement pro-occidental émerge.

Parlons un peu de Vladimir Poutine. Dans sa jeunesse il est officier du KGB dans la région de Leningrad (Saint Petersbourg) puis en 1985 il est en poste à Dresde en RDA, que fait-il ? Ce que l'on lui a appris : Chantages, extorsions, compromissions, manipulations, propagandes et bien sûr espionnage. Il défend les intérêts de l’Union Soviétique et de son système politique. « Il cherche notamment à contraindre un professeur de médecine à lui donner accès à une étude sur des poisons mortels qui ne laissent presque aucune trace, en le faisant chanter avec des éléments pornographiques. » Il guette les opportunités, les moments de faiblesse de son adversaire, afin de faire des coups avantageux pour son pays mais aussi pour lui-même. Ce qu’il a appris et ce qu’il a pratiqué, lui serviront toute sa vie et surtout lorsqu’il deviendra président de Russie.

Poutine est un nationaliste et pour lui la plus grande catastrophe du XXème siècle a été la dislocation de l’Union soviétique en 1991. Au temps de sa jeunesse et du début de sa vie professionnelle, l’Union Soviétique était la grande puissance mondiale qui faisait jeu égal avec les USA. Après 1991, la population de son pays a chuté, son territoire a diminué et s’est retrouvé dans les vingtièmes, dans le classement des pays à l’économie capitaliste. L’influence de la Russie sur ses voisins et anciennes colonies diminue. Les pays se mettant sous la protection de l’Otan sont maintenant voisins. La Russie pèse moins sur la marche du monde et cela, Poutine, le nationaliste, ne peut le supporter.

Dès son accession au pouvoir, il a voulu mettre fin à l’hémorragie territoriale en relançant la deuxième guerre de Tchétchénie, suite à de mystérieux attentats à Moscou (qui ressemblent curieusement à des opérations du FSB, nouveau nom du KGB). La république de Tchétchénie est l'un des 89 sujets composant la fédération de Russie. La guerre fut violente et sanglante.

Le 10 février 2007 devant la Conférence de Munich sur la sécurité, Poutine a expressément fustigé le rapprochement des bases de l'OTAN des frontières de la Russie. Un discours long et agressif envers l’Occident, que nous n’avons pas trop pris au sérieux ou analysé, nous aurions dû, c’était son « Mein Kampf »En 2008, des milices sud-ossètes font des incursions armées répétées sur le territoire géorgien (l’Ossétie du Sud est une région séparatiste de Géorgie. Suite à la guerre de 1991-1992, elle bénéficiait d’une semi-autonomie.) La Russie avait déjà planifié un plan d’invasion de la Géorgie dès 2006. Le président pro-occidental Mikhail Saakachvili tombe dans le piège de la provocation. L’armée géorgienne intervient dans le territoire sud-ossète dans la nuit du 7 au 8 août 2008. Un contingent russe est en manœuvre fort opportunément au nord de la frontière géorgienne. Celui-ci déferle sur le territoire géorgien. Le 16 août, un cessez-le-feu est signé. L’Ossétie du sud et l’Abkhazie (une autre région sécessioniste) et de faite annexée par la Russie. M. Saakachvili dira « au moins cette guerre aura servi à montrer le vrai visage de Poutine, celui d’un agresseur impérialiste » Nous ne l’avons pas écouté.

En 2013 un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, arrive à la fin de la négociation et doit être signé par le président ukrainien Viktor Ianoukovytch pro-russe, celui-ci refuse malgré l’acceptation du projet par le parlement ukrainien (la Rada). Il en découlera un mouvement de protestation Euromaïdan qui évolua en révolution, entraînant la destitution du président par la Rada le 22 février 2014 puis sa fuite en Russie.

À partir du 28 février 2014, des troupes russes sans insignes occupent la péninsule de Crimée, puis des mouvements de troupes sont entrepris par l'armée de terre russe près de la frontière ukrainienne. Le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum tenu le 16 mars, le gouvernement russe annonce que la république de Crimée et la ville de Sébastopol, anciennement ukrainiennes, deviennent deux nouveaux sujets de la fédération de Russie. Le référendum a été fait très rapidement, sans aucun contrôle international, avec manipulation de l’opinion et emprisonnement d’opposants à l’invasion russe, notamment des dignitaires Tatars. La Crimée appartient traditionnellement aux Tatars, qui représentaient 10% de la population avant l’invasion russe. Même sans manipulation, il est probable que le oui, au rattachement russe l’aurait emporté si le référendum avait été fait selon des règles démocratiques, mais avec un score beaucoup plus faible. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux colons russes se sont installés dans cette riviera soviétique. Néanmoins, cette annexion est, en droit international, totalement condamnable.

En février-mars 2014 des troubles apparaissent dans le Donbass mais aussi dans d’autres parties de l’Ukraine, notamment à Kharkiv. Des séparatistes locaux, certains dirigés et financés par les services de sécurité russes, profitent de la situation et occupent des bâtiments gouvernementaux dans les oblasts de Donetsk, Louhansk et Kharkiv. Le gouvernement ukrainien parvient à apaiser rapidement ces troubles et expulse les séparatistes le 10 mars. Au cours de la deuxième phase, à partir d'avril 2014, des groupes armés soutenus par la Russie saisissent des bâtiments gouvernementaux dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk, communément appelés le Donbass, et lancent une insurrection séparatiste dans la région. Une partie de la population adhère à un mouvement anti-maïdan, (anti révolutionnaire) grâce à une propagande orchestrée par le FSB russe. Parmi ces fausses informations, l’on retrouve la rumeur que le nouveau pouvoir interdira la langue russe et obligerait tous les Ukrainiens à ne parler qu’ukrainien. Également et c’est le tout début, que le pouvoir pro-occidental de Kiev serait Nazi.

Dans la stratégie de Poutine, chaque opportunité est bonne à prendre. Durant la période post-Maïdan, le pouvoir ukrainien en pleine transition n’est pas encore bien établi. Poutine en profite pour annexer la Crimée et provoque des troubles dans toute la partie Est de l’Ukraine. Qu’espérait-il, sans doute une contre-révolution, poussé par les plus russophones et russophiles des Ukrainiens, mais cela ne prend pas. Cela aboutira à un conflit de faible intensité dans le Donbass entre les forces ukrainiennes, les forces russes et des groupes armés pro-russes. 14 000 morts entre 2014 et 2020 (3405 civils de part et d’autre de la ligne de front, 4 400 membres des forces ukrainiennes et 6 500 membres des groupes armés russes et prorusses)Un petit point sur les langues parlées en Ukraine. Tout le monde parle ou comprend le russe en Ukraine, excepté certains jeunes enfants (la guerre laisse des traces). L’ukrainien est parlé majoritairement à l’Ouest du pays et plus on va à l’Est, moins on le parle. Lors d’une conversation, l’on peut dialoguer en ukrainien et l’on peut vous répondre en russe sans que cela pose de problème à quiconque, on attendra de l’Ukrainien une compréhension des deux langues, ne pas le faire serait juste impoli. Les deux langues sont assez proches, il y juste 4 lettres supplémentaires dans l’alphabet ukrainien qui n’existent pas en russe. Elles partagent 69 % de leur vocabulaire. Par comparaison, ce serait les mêmes similitudes et proximités qu’entre le français et le portugais.

L’Ukraine est une partie du berceau civilisationnel de la Russie, la perdre est difficilement acceptable pour les nationalistes russes. Mais c’est un pays différent de la Russie, avec une culture, un peuple, une langue et une histoire différentes. Voir l’Ukraine se détacher de la sphère d’influence russe et se tourner vers la démocratie et le progressisme occidental est inacceptable pour Poutine. Le pouvoir russe est dictatorial, un chef entouré d’une cour qui le flatte et n’ose dire certaines vérités par peur. Poutine espéra vraiment mettre à genoux l’Ukraine en trois jours. Les services de renseignements russes sont suffisamment performants pour connaître l’état d’esprit des Ukrainiens la veille du 24 février 2022. Alors, n’a-t-il pas voulu écouter ? Ou personne n'a osé lui dire, nous le saurons peut-être un jour ! Mais les images des cercueils des jeunes Ukrainiens revenant du front de 2014 à 2022 ont classé la Russie du côté des ennemis et certainement pas dans le rôle d’un improbable libérateur.

Le 24 février 2022 commença « l’opération spéciale », une invasion de l’Ukraine dans le but de «dénazifier » le pays. Par les axes de pénétrations, notamment sur Kiev, on peut clairement deviner les intentions des Russes, prendre les sièges du pouvoir. Et à la grande surprise des Russes, intoxiqués par leur propre propagande, les Ukrainiens résistent ! Kiev devenant un coupe-gorge pour les Russes. N’ayant pas réussi à capturer Zelinski ni de contrôler la Rada,(parlement ukrainien) ils se retirent. Ensuite c’est une percée le long de la mer Noire en direction du grand port d’Odessa et de la région séparatiste de Transnistrie en Moldavie, sans doute en vue de préparer le coup d’après. Le but de la manœuvre, on ne peut faire que des suppositions, est de couper l’accès à la mer pour l’Ukraine et ainsi de l’asphyxier économiquement. Faire la jonction avec la région séparatrice pro-russe de Transnistrie aurait permis d’apporter des troupes fraîches et de l’armement pour annexer si possible ou vassaliser la Moldavie, dans un deuxième temps. Mais cela a échoué, le front s’est stabilisé et l’Ukraine résiste depuis trois ans contre un pays 3,48 fois plus peuplé et un budget militaire dix fois moindre. (2021)

Y a-t-il des Nazis en Ukraine ? Oui, il y en a, mais pas plus qu’en Russie ou que dans un autre pays européen. Zelenski est d’origine juive et il y a eu 6 présidents différents depuis que Poutine est au pouvoir. Aux dernières élections présidentielles de 2019, le seul parti d’extrême-droite, Svoboda fait 1,62% au premier tour. Donc non, les fascistes ne sont pas au pouvoir en Ukraine. Pourquoi donc Poutine parle de « dénazifier » l’Ukraine ? C’est une fausse information destinée à son opinion nationale. C’est à cause de la Seconde Guerre mondiale, ou comme les Soviétiques l’avaient appelée« la grande guerre patriotique ». Pour unifier tous les peuples de l’Union soviétique contre un ennemi commun : les Nazis, les Soviétiques appellent à une défense, non pas pour défendre le communisme, mais pour la patrie en danger. « La grande guerre patriotique » et ses près de 26 millions de morts ont marqué profondément tous les peuples d’ex-Union soviétique. En taxant les Ukrainiens de Nazis, Poutine espère fédérer son peuple contre un ennemi héréditaire.

Et aujourd’hui, où en est-on ? Si Macron a tort sur la forme, par un discours fort alarmiste, sur le fond, il a raison. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Européens se sont reposés sur les Américains pour leur défense. Il était prévisible qu’après la fin de la guerre froide, à un moment les Américains allaient réduire leurs dépenses de défense et arrêteraient de payer pour les autres. Un retrait timide avait déjà été opéré sous Obama. Actuellement, nous ne pouvons plus du tout compter sur un président américain imprévisible, qui taxe plus ses alliés que ses ennemis, qui s’acoquine avec les dictateurs de la planète et les encourage même à nous attaquer. (12/02/2024) Et qui vote avec la Russie, le Belarus et la Corée du Nord, la non-responsabilité de la Russie de l’invasion de l’Ukraine. Trump veut la paix en Ukraine, mais ce qu’il propose, c’est une capitulation totale de l’Ukraine. Une partie sera annexée par la Russie, l’autre sera vassalisée comme le Belarus. Les Ukrainiens ne peuvent accepter cela !

Nous entrons dans une nouvelle guerre froide, avec une nation russe impérialiste, plus petite, qui rêve de reformer son empire. Si nous ne stoppons pas les Russes en Ukraine, à qui le tour ? Les pays baltes, la Pologne, la Moldavie… ? Certains proches de Poutine parlent même de recréer l’empire russes de Vladivostok à Lisbonne. De plus, si nous laissons faire, le crime paie et d’autres nations pourront en conclure que le droit international et l’intangibilité des frontières sont caducs. Une nation, même moyenne serait tenter d’annexer son voisin plus petit. Le Venezuela à fait voter un referendum pour réclamer les deux tiers du Guyana, l’exemple est suivi.

Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, mais c’est une nouvelle guerre froide, mais cette fois-ci, nous sommes seuls, sans les Américains, pendant sans doute 4 ans. En aidant l’Ukraine, nous nous protégeons nous-mêmes, nos intérêts et les nations européennes. La nation ukrainienne est courageuse, elle paie un lourd tribut et défend pour nous, nos valeurs de liberté, de respect du droit et de démocratie. Aidons l’Ukraine !