AGRIVOLTAÏSME : SOLUTION OU PROBLÈME ?

L'agrivoltaïsme est un système étagé qui associe une production d'électricité photovoltaïque et une production agricole au-dessous de cette même surface. La coexistence de panneaux solaires et de cultures implique un partage de la lumière entre ces deux types de production. Plusieurs cultures sont identifiées pour accueillir ces installations : la production de fruits (notamment la vigne), de même que certains élevages (volaille, ovins…).

 L’agrivoltaïsme se veut une solution à l’installation de projet photovoltaïque au sol.

Ce dispositif est donc censé prioriser l’activité agricole et, par la technologie, en améliorer la productivité. Un principe qui n’est pas encore a priori acquis. 

 Trois installations, proposées par 3 entreprises différentes, sont en train de se monter dans le Narbonnais. Chacune « expérimente » et « développe » la filière. Les propriétaires et les exploitants sont beaucoup sollicités. Il nous paraît donc important de vous informer.  Mardi 24 janvier, le Parc naturel régional nous a proposé un temps d’échange sur l'agrivoltaïsme avec la cave de Cap Leucate et l’une des entreprises de ce marché:  Sun’Agri. 

Nous avons également visité le chantier agrivoltaïque en cours de construction sur place.

Témoignage 1 : Lilian Copovi, président de CapLeucate:

  « Notre coopérative installe des panneaux au-dessus des vignes, à la sortie d’autoroute, aux abords de nos bâtiments, telle une vitrine de cette technologie. Les gains de la production d’électricité seront un allié du revenu agricole du vigneron. C'est aussi l’occasion de moderniser la viticulture. Seul bémol, les panneaux s’installent sur un vignoble nouveau, replanté. Malheureusement, le vol récent des panneaux photovoltaïques amène l’entreprise à reculer d’un an l’installation et les plantations ». Si il n’a pas de doute sur le bien fondé, il alerte sur la complexité pour l’obtention des autorisations (5 à 6 ans, ce qui est un minimum dans ce type de projet) et sur la visibilité de ce type d’infrastructures : “attention à ce que cela ne devienne pas des verrues dans nos paysages !”

Témoignage 2 : Antoine Nogier, Président de France agrivoltaisme et également, directeur Sun Agri:

« Cette installation vise d’abord à améliorer l’agriculture. Il s’agit d’apporter un bénéfice direct à la parcelle par la lutte contre les « excès du climat » (canicule, gel, grêle,…) et l’économie en eau...Ce système en étage est directement inspiré de l’agro-foresterie.» Ensuite, il aborde l’objectif de la production d’électricité. « Les panneaux sont modulables : ils laissent passer la lumière lorsque la production en a besoin (printemps/été). En hiver, les panneaux sont disposés de manière à produire un maximum d’électricité ». L’ambition est de toucher 10% des terres agricoles sachant que la France compte 400 000 exploitations agricoles. « Nous avons expérimenté et aujourd’hui, nous entrons dans le développement d’une véritable filière ». 

Il finit par insister sur la certification, gage de sérieux de l’entreprise. « Le Label AFNOR est un critère de qualité. Un prochain décret devrait sanctionner les arnaques. »  

 Allez, on ne va pas se mentir, nous n’avons pas été pleinement convaincus par la démonstration : En liminaire, les élus EELV sont favorables à la transition énergétique qui doit associer la réduction de la consommation et l’augmentation nécessaire de la production d’énergies renouvelables.  En priorité, l’Etat doit faciliter les initiatives municipales, citoyennes ou individuelles qui visent à installer des panneaux solaires (thermiques ou photovoltaïques) sur les bâtiments publics, agricoles et des ombrières sur les parkings. Nous sommes aussi pour une agriculture durable dont la production de qualité soutient un revenu pour les agriculteurs. Dans le contexte de changement climatique, l’adaptation de l’agriculture doit être soutenue, notamment par la recherche de solution agronomique : la “vraie” agro-foresterie en est une.

L’absence de scientifiques pourtant « locaux » 

Lors de cette réunion où finalement, le « vendeur » et l’« acheteur » tentaient de convaincre, nous avons regretté l’absence de chercheurs de l’INRAE qui étudient justement l’agrivoltaïsme depuis 2016, à Gruissan et ailleurs.  Les résultats présentés sont encore parcellaires et n’ont pas de robustesse scientifique : sur la vigne, la production est plus faible, avec moins de sucre et plus d’acidité. Le service rendu par cette technologie doit être validé par l’INRAE sur le moyen - long terme.  Il est essentiel de terminer cette phase d’expérimentation avant de multiplier les projets. 

Impact paysager et sur la biodiversité 

Lors de cette visite, il n’a pas été besoin d’avoir les panneaux photovoltaïques installés pour déjà mesurer l’impact paysager de infrastructure. Les parcelles sont certes réduites et l’installation est réversible mais sur notre territoire, l’installation de ces panneaux, hauts de plus de 4 mètres, sur au moins 1 hectare, va forcément modifier le paysage. Cet enjeu est à estimer au regard de son lien avec l’activité économique principale de notre territoire : le tourisme. Les conséquences négatives sur la biodiversité peuvent aussi être importantes : les suivis mis en place devraient documenter l’impact sur la biodiversité. Cependant, il conviendra d’envisager les effets de ces projets en cumul les uns des autres.

Pour les élus EELV, il est donc essentiel de réfléchir collégialement à une stratégie d’aménagement globale du territoire.

Une loi nécessaire pour encadrer ce développement

Les maires présents étaient inquiets car ils sont actuellement ceux qui autorisent ou non, par un simple permis de construire, ce type d’installation.  Le développeur affirme que la qualité du projet peut se juger par un label AFNOR. Mais cette certification paraît insuffisante notamment si le cahier des charges est établi par les seuls promoteurs. Pour les élus EELV, les maires doivent avoir l’outil législatif pour se protéger. Il faut les armer davantage pour décider en toute transparence et connaissance. 

Nos questions qui sont restées sans réponse : 

Combien de hangars ou de serres équipés de panneaux photovoltaïques déjà construits avec cette justification (dérogation) agricole sont vides d’activités ?  En cas de non pratique d’agriculture, des pénalités s’appliquent. Quid de celles-ci ? Pour l’instant, les réponses à cette question sont floues.  La question aussi du rapport investissement/gain financier est également restée sans réponse. Le monde agricole s’inquiète car le gain en production d’électricité ne serait pas de l’ordre d’un « complément de revenu » mais bien plus. L’agriculteur doit continuer à vivre de sa production nourricière. 

L’interdépendance des deux activités (production d’électricité et agriculture) semble être une bonne option, mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Des contrôles stricts doivent avoir lieu, au risque de transformer les terres agricoles en fermes électriques. La nécessité d’intégrer l’auto-consommation dans le projet pourrait être aussi une piste intéressante.

En attendant, équipons nos parkings, maisons, centre commerciaux de panneaux et continuons de consommer des produits locaux et de saison !

Passage sur les panneaux à écouter (25’54) : 

 https://www.inrae.fr/dossiers/energies-renouvelables-sobriete-recherche-action